Vernissage vendredi 21 septembre de 18h à minuit
Mercredi, jeudi, dimanche, 1er novembre : de 14h00 à 19h00 Vendredi, samedi, 11 novembre : de 14h00 à 20h00 Fermeture le lundi, le mardi, et le 25 décembre Les 24 et 31 décembre, fermetures à 17h.
Tarifs visites guidées : 40,00 € groupe de 10 à 30 pers, 1h Sur réservation: 03 20 28 38 04 / lmenard@lefresnoy.net
Tarif normal : 4€ Tarif réduit : 3€ (demandeurs d’emploi, étudiants, seniors) Entrée libre pour les détenteurs de la C’Art et les Amis du Fresnoy Gratuit chaque dimanche pour tous.
Perdre la mémoire Les Bouddhas géants sculptés de Bâmiyân doivent surtout leur célébrité à leur destruction par les Talibans le 11 mars 2001 suite à un édit condamnant les idoles promulgué par le mollah Omar, qui contrôlait l'Afghanistan depuis 1996. A l’époque, le monde occidental n’a pas complètement pris la mesure de cet événement qui pourtant s’inscrit dans une chronologie qui conduit à la destruction des deux tours géantes de New York, sept mois plus tard exactement, le 11 septembre 2001. La destruction des deux Bouddhas géants à Bâmiyân et des Twin Towers à New York a accéléré l'entrée dans le XXIe siècle et nous a appris que le retour des conflits culturels, économiques et surtout religieux irait de pair avec une utilisation toxique de la puissance de synchronicité des images. L’objectif premier de l’« épuration culturelle » menée par les extrémistes islamistes n’est autre que de nous faire littéralement perdre la mémoire. Et avec elle notre conscience.
Mémoire meurtrie Située au centre de l'Afghanistan, Bâmiyân est une petite ville qui s'étend d'est en ouest le long d'une falaise faisant face au sud. Cette falaise, faite d’une roche friable, longue d'un kilomètre et demi, a abrité entre le IIIe et le VIIe siècle un monastère bouddhiste qui comptait une population de plus de mille moines. Ce site était un témoignage majeur de l’école d’art gréco-bouddhique du Gandhara. Sur la falaise, à l'intérieur de niches géantes, se dressaient deux statues colossales de Bouddha debout, l'une de 38 mètres à l'est, l'autre de 55 mètres à l'ouest. Outre ces niches, 750 grottes environ avaient été creusées dont un dixième environ contenaient des peintures murales et des sculptures en argile et que l'on peut désigner sous le terme de grottes sanctuaires. La destruction (ou le vol) des sculptures, des peintures et bas-reliefs sculptés a été systématique.
Mémoire malgré tout Si les Talibans ont cru détruire ces statues géantes, de même qu'à Hiroshima après l’explosion de la bombe atomique, il en reste l’ombre portée. Détruire une sculpture, ce n’est pas simplement « casser des pierres » comme a pu le prétendre le mollah Omar, c’est dénier à tout être humain la possibilité de représenter un être vivant. L’acharnement avec lequel les djihadistes en Syrie, en Irak, détruisent les sculptures préislamiques participe bien sûr d’une propagande. Elle témoigne aussi d’une volonté absolue de détruire tout passé, toute histoire. Mais l’explosion des centaines de mines n’a pu détruire totalement l’existence des Bouddhas, il en reste la trace.
Mémoire par contact Lors de mon séjour à Bâmiyân, en plus du scan 3D au moyen de drones, j’ai utilisé une technologie de prise de vue photographique d'ordinaire utilisée pour détecter les micro-fissures dans les pales d’éoliennes. Cette technologie a permis la fabrication d’une image à l’échelle 1 de la falaise par un système de tuilage de quatre mille photographies. De manière dialectique, hybridant les technologies les plus contemporaines et les plus anciennes, j'ai choisi de réaliser un tirage photographique de l'ensemble de la falaise en utilisant le procédé platine-palladium, technique de tirage par contact inventée en 1880. Le spectateur a ainsi le sentiment d'être devant un objet photographique dont les qualités visuelles et tactiles sont celles d'une empreinte directe.
Production : Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains
Vit et travaille à Biarritz
Pascal Convert est sculpteur (sculpture, installation et vidéo), écrivain et auteur de films. Ancien pensionnaire à la Villa Médicis, les questions de la mémoire et de l’oubli sont au cœur de son travail. Georges Didi-Huberman lui a consacré plusieurs textes et livres (La Demeure, la souche - Sur le fil - Sortir du blanc, aux éditions de Minuit) et l'a régulièrement invité à participer aux expositions qu'il organisait, de L'Empreinte en 1997 à Soulèvements en 2016, en passant par Fables du Lieu au Fresnoy en 2001.
Son œuvre avant tout sculpturale utilise des matériaux singuliers, le verre, la cire, la laque, le cuivre ou l'argent et hybride les techniques les plus contemporaines avec les plus anciennes. L’empreinte constitue le premier geste de son travail, toujours renouvelé, suivi de prélèvements, de répliques, de coupes et découpes, de cristallisations et de transmutations. L'année 1992 voit sa première exposition personnelle importante au CapcMusée de Bordeaux dirigé par Jean-Louis Froment. Dans les années 2000, il s’inspire d’icônes de presse, la Pietà du Kosovo (de Georges Mérillon), la Madone de Benthala (d'Hocine Zaourar), ou La mort de Mohamed Al Dura à Gaza (AFP/A2) pour réaliser des sculptures monumentales en bas-relief de cire. Marie-Claude Beaud organise une exposition autour de ces œuvres au MUDAM du Luxembourg en 2007. À l'initiative de Robert Badinter, il réalise le Monument à la mémoire des Otages et Résistants fusillés au Mont-Valérien entre 1941 et 1944. En 2013, il publie La Constellation du Lion, récit biographique, aux éditions Grasset. Son travail est présenté régulièrement à la galerie Éric-Dupont à Paris.
Si l’histoire intime, l’histoire politique et la pratique artistique tissent une cartographie complexe de ses engagements, les dernières pièces de Pascal Convert contiennent les tragédies récentes de notre époque. Invité en mars 2016 à réfléchir à un projet pour l’anniversaire de la destruction des Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, il fait modéliser en 3D la totalité du site, soit 1,5 km de falaise et développe depuis un ensemble d'œuvres ayant Bâmiyân comme point d'origine.