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Noé  Grenier

Noé Grenier

Triomphe des douleurs

Images extraites du film Charade 1963 de Stanley Donen avec Audrey Hepburn et Cary Grant

installation

Noé Grenier n’ignore rien de cette migration sauvage de douleurs qu’est la migraine (le « mal de tête»). Il cherche seulement – et l’épreuve est considérable – non seulement à la réguler mais à en déjouer le cours en la désorientant, en la contraignant à suivre un plan autre, où les écrans (les opacités sans égard) laissent place aux étranges lumières et fragments de vision où l’intensité apparaît restreinte mais non livrée à un piège se révélant mortel, écrans dès lors déployant par leurs glissements des espaces de substitution où la chance d’un incroyable déplacement des règles reste encore actée. D’où l’impressionnant dispositif mis en œuvre (chaque technique inventée correspond à une liberté de pensée gagnée sur la nuit, sur le tunnel coupé du jour), divisant et démultipliant le mouvement d’une poursuite (celle que Charade de Stanley Donen filme dans le métro parisien, aussi éperdue que vouée à l’incompréhension la plus répétée, instantanée et donc « damnée ») que rien ne semble devoir arrêter, mais qui se voit pourtant « déroutée ». Là où la hantise d’être suivi, poursuivi, traqué, chassé et pourchassé est vécu comme un segment sans fin que le seul saignement d’une « mort subite » aurait le pouvoir de suspendre, là, entre les mailles et les plans resserrés, réinsufflés, se donnent à vivre des respirations coupées où des souffles incontrôlables égrènent autrement les modalités de ce qu’il conviendrait d’appeler la survie. La migraine s’égrène, migre par mille conduits inaperçus et pourtant présents à chaque station de ce parcours a priori sans fin (comme l’est un cauchemar ou une charade). Noé Grenier engrange les issues, en redistribue les grains et construit une arche à ciel ouvert qui, ses portes réouvertes après ce déluge, offrira de nouveau la vision d’un espace dégagé, non gagé par la peur mais par le bonheur d’une aube qui se lève dans le calme. Daniel Dobbels (4 avril 2014)

Claire Pollet pour la programmation Christophe Gregório, Cyprien Quairiat et Etienne Lautem pour l'aide à la construction, Bruno Fleutelot pour l'aide à la composition, Eric Prigent, coordinateur pédagogique, Ramy Fischler, artiste professeur invité, Lucie Bercerez, chargée de production.

Daniel Dobbels, Madeleine Van Doren, Arnaud Petit, Gwendal Sartre, Gilles Ribero, Thibaut Le Maguer, Andrés Padilla Domene, Mathias Isouard, Akiko Okumura, Thibaut Rostagnat, Fabien Zocco, Loris Bardi, Jacky Lautem, Sébastien Cabour, François Bedhomme, Massimiliano Simbula, Aurélie Brouet, Julien Guillery, David Chantreau, François Lescieux, Blandine Tourneux, Maxence Ciekawy, Arnaud Mathieu, Anaïs Boudot, ainsi qu'à toute l'équipe du Fresnoy.


Noé Grenier est diplômé de l’école supérieure des Beaux-Arts de Montpellier Agglomération depuis 2011. Il a depuis axé sa pratique autour de la ré-appropriation d’images, travaillant autant à partir de classiques du cinéma de genre, qu’à partir de photographies et de vidéos collectées en ligne.
Sa démarche vidéo questionne les constructions temporelles propres à chaque registre d’images, et la perception du spectateur face à ces mêmes images. Par des opérations de découpage, de montage, de collage voire de décalage et de répétition, ses œuvres tentent «d’étendre la notion de regard», renvoyant aux conceptions du temps et du mouvement chez Bergson, et cherchent ainsi à remettre en cause la perception du mouvement dans l’image vidéo comme une «suite d’images fixes que notre œil se charge d’animer.»
Conscient de la matérialité de l’image et de son statut de document, Noé Grenier expérimente d’autre part la transposition de l’image numérique au travers de médiums traditionnels variés. Il souligne les problèmes liés au copyright et aux frontières entre espace privé et espace public sur internet, en confrontant les modes de représentations historiques de la photographie et de l’art vidéo.