L’installation que j’ai choisie de montrer pour l’exposition Panorama 22 au Fresnoy – Studio national répond à un désir que j’ai commencé à exprimer depuis quelques années. Beaucoup de cinéastes me disent ne pas comprendre la photographie, car figée dans un temps arrêté. Par exemple, Bruno Dumont avait même ironisé en ces termes : « Comment peut-on encore faire de la photographie aujourd’hui, alors que le cinéma permet 24 images par seconde ! »
Cela m’avait mise dans une rage… sans avoir la répartie de lui répondre en un temps si court dans un contexte d’entretien plus général. Effectivement, c’est avant tout une question de temporalité, et il semble intéressant, à notre époque frénétique où nous voulons absolument reprendre « comme avant » (suite à la pandémie) ce rythme effréné qui commence à rendre malade tout le monde (même avant la pandémie), de continuer à vouloir arrêter le temps et contempler le monde. Et aujourd’hui, si je fais parfois des films (surtout des traversées), je reviens toujours vers cet outil qui me permet de fixer un réel, une épaisseur du réel pour un temps indéfini, qui ne s’arrêtera pour le spectateur que lorsqu’il l’aura choisi. Prendre le temps…
La chambre grand format que j’utilise pour la plupart de la réalisation de mes images participe de ce même besoin, prendre le temps, de regarder, d’observer, de tourner autour de mon sujet avant même de poser le trépied et de faire l’image. Je ne fais d’ailleurs que peu d’images, juste celles dont j’ai besoin.
Ainsi, je montrerai ici des photographies sous forme d’affiches (dos bleus collés sur le mur comme un espace de projection) sur lesquelles viendront dialoguer trois projections, chacune tenant une des problématiques de notre temps : espaces fermés sans « perspectives », travellings sans fin et vues en rotation qui se répètent. Un monde parfait !
La photographe et cinéaste française Valérie Jouve est née en 1964 à Saint-Étienne. Elle vit actuellement entre Paris et l’Aveyron. Diplômée de l’ENSP – École nationale supérieure de la photographie d’Arles, Valérie Jouve a commencé par des études de sociologie avant de se consacrer à la photographie.
Production : Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains