C’est quoi grandir aux côtés de quelqu’un qui n’est pas sur terre et qui ne le sera jamais ? Cette question est celle de mon histoire, liée au fait d’avoir grandi avec un frère autiste Asperger. Nous sommes presque jumeaux en âge, ce qui signifie que je n’ai jamais vécu sans cette présence « extraterrestre ». Mon rapport au monde s’est construit dans cet aller-retour permanent entre la vie terrestre et ces autres endroits de vie avec lesquels il communique à sa manière, du microcosme au macrocosme. Pour entrer en relation avec mon frère, il s’agit de se défaire de l’humain et de créer le lien via les autres règnes du vivant : le minéral, le végétal, l’animal, le cosmologique.
Pour pouvoir grandir aux côtés de mon frère autiste Asperger et simplement entrer en lien avec lui, il m’a fallu ouvrir ma vision, au risque sinon de lui rester étrangère. Il m’a invitée à me déplacer de moi-même de l’endroit où j’étais confortablement installée, pour me faire basculer dans l’indicible de ses mondes invisibles.
On entend parler d’un « humain qui vient », d’une humanité́ qui se transforme. Dans la connexion extrêmement fine qu’elle a aux êtres et aux choses, la personne autiste ne pourrait-elle pas nous aider à opérer le passage entre ce maintenant et « ce qui vient » ? Une sorte de passeur vers un autre possible ?
À tous les merveilleux complices de l’équipe sans qui ce film ne serait pas ce qu’il est : Fernando Colin-Roque, Margaux Serre, Jules Wisocky, Pali Meursault. À la famille Belloc. À Éric Prigent et toute l’équipe du Fresnoy – Studio national des arts contemporains.
Sa recherche explore le corps dans ses dimensions organiques et cognitives. Il y est bien aussi souvent question de langage à la limite de l’incommunicabilité et de porosité entre visible et invisible. Ses films, textes et photographies ont notamment été présentés en France et en Colombie (Musée d’art de la Banque de la République à Bogota, Mois de la Photo du Grand Paris, Rencontres Cinéma de Gindou, Cinélatino - Rencontres de Toulouse, etc.). Son film Les Mangeurs d’ombres a obtenu la mention spéciale du Prix du Premier film professionnel au Festival Traces de Vies (Clermont-Ferrand). Son documentaire L’Incertitude de la parole, coréalisé avec G. Terrier, a été lauréat de la bourse Gulliver (diffusion RTBF / émission Par Ouï-Dire).
CursusDiplômée d’un master en Histoire Contemporaine (La Sorbonne-Paris 1), Philosophie Politique (Universiteit Van Amsterdam), Cinéma Documentaire (Université Paris VII).
Production : Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains