Vir Andres Hera

Le Romanz de Fanuel - Film - 20min - 2017

présenté dans le cadre de l'exposition panorama 19

Des paysages montagneux qui se contredisent et s’effacent l’un dans l’autre, des volcans et des vallées, les montagnes, ce sont des personnages à part entière. Ils ont une présence filmique, deux faces, à la fois un territoire d’une immense beauté et également le symbole d’une oppression constante, celle de la petitesse de l’homme face aux cœurs de lave ; le paysage est un miroir des états d’âme.

Un récit secret et silencieux se déroule autour d’un personnage tiré d’un livre qui erre dans le monde réel. Il s’agit de Fanuel/Alferez, un être né de l’alliance entre deux personnages fantômes, revenants ; l’errance du comédien est un reflet de l’invisible, de l’inaccessible et de l’imperceptible dans ses histoires à travers la métaphore de l’exil en montagne. Au fil de l’histoire on va découvrir sa psychologie, son désir de vivre à l’écart et son corps qui subit des métamorphoses.

Ce récit en parallèle, disloqué et anachronique est raconté par la voix d’un dieu aztèque: Tlaloc, qui se balade dans tous les lieux et qui semble parler depuis sa demeure millénaire, c’est une divinité qui observe les changements à travers les âges et les paysages, (qui sont eux aussi indéfinis), sa bouche fait parler les voix disparues, ses phrases : les mots oubliés.

Biographie de mon imaginaire
En 1997, chez mon oncle Willebaldo j’entends le français pour la première fois. En 2004, je le parle, en même temps que je découvre la nouvelle vague, le cinéma de l’âge d’or mexicain. En 2009, j’arrive en France, je suis à la Faculté de langue arabe, l’année d’après je rentre à l’école des Beaux-Arts, je découvre les films de Jean Painlevé, je regarde Herzog et je tombe amoureux du cinéma de Jean Rouch. En 2014, je vis enfermé dans un couvent ; je m’intéresse aux langues amérindiennes, je puisse dans la mémoire du XVIe, puis du XVIIe siècle, je rends visite à Sor Juana Inès de la Cruz. En 2016, je vois l’exposition d’Hito Steyerl à Madrid, je lis ses écrits ; la même année je filme la semaine sainte en Andalousie.

Citation
Así que me seguí, conocí ciudades y siglos y modos, y entré y salí de salones y cuchitriles, como una mosca cualquiera, y supe de olvidos y de falsas memorias. « Alors j’ai tracé ma route, j'ai visité des villes et des siècles, je suis rentré et sorti des chambres et des porcheries, comme une mouche quelconque, et j’ai su ce qu’étaient les oublis et les fausses mémoires. » Carmen Boullosa

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Cette citation de Lavoisier pourrait se trouver au frontispice de l’atelier de Vir Andres Hera. Toute sa démarche consiste en effet à lutter contre l’idée d’une péremption de la culture. Le voilà qui transcrit phonétiquement en arabe des poèmes d’une religieuse mexicaine du XVIIe siècle. Pas question pour lui de cantonner Sœur Juana Inés de la Cruz à une culture ancienne, occidentale et élitiste. Ou le voici soudain au jardin botanique, l’œil de sa caméra vissé sur un herbier ancien pour, au moyen de montages, y faire reverdir les fleurs ramassées lors de l’expédition royale en Amérique. Et le voilà encore qui suit la marche à reculons d’une indienne tlapaneco consciente de parler une langue morte dans un corps vivant et moderne. Mais recule-t-elle vraiment ? Chiffonnant d’un geste les théories positivistes de l’art, Vir Andres Hera nous pose continuellement la question suivante : qu’est-ce qui recule et qu’est-ce qui avance ? Et si l’histoire n’était qu’un gigantesque palimpseste écrit par le même homme ? C’est bien ce que semble dire le livre qu’il a publié sous le titre de Pieter Van Gent, auteur mystérieux supposé immortel d’un palimpseste de 777 pages qui traverse l’histoire du Mexique, de la colonisation espagnole à la fin du XXe siècle. Et la terre, son architecture, sa toponymie semblent être les seules références stables de ce vaste parcours temporel. C’est parce que l’artiste est fasciné par la diversité, parce que comme l’exote de Victor Segalen il « sent toute la saveur du divers » qu’il s’y perd et nous perd avec lui. Mais c’est pour mieux nous repêcher. En effet, face au foisonnement vertigineux de la production de biens culturels, Vir Andres Hera cherche toujours à attirer notre attention sur ce qui reste. Cette obsession de la permanence l’amène par exemple à se rendre au Pays Basque, sur les lieux qui ont inspiré le tableau Échanges des princesses Anne d’Autriche et Isabelle de Bourbon sur le Bidasoa de Peter Van Der Meulen pour observer ce qui perdure de cet échange de femmes dans le vieux port. Sa démarche n’est pas archéologique : il n’exhume pas le passé, il en prolonge les sortilèges octroyant un supplément d’âme à ce que l’homme autrefois a produit. On dit souvent que traduire c’est trahir : à l’inverse, la démarche artistique de Vir Andres Hera est tourmentée par la fidélité.» Amina DAMERDJI

Vir Andres Hera


Travaille en France. Ses images et représentations s’expriment par la vidéo, mais avec une idée plus large d’écriture, tant le récit est important. Dans ses vidéos, tout est mystérieusement parsemé d’histoire et de ses anecdotes étranges, de mythes religieux et de figures oniriques, de paysages sacrés. Il est actuellement doctorant à l’Université du Québec à Montréal et au Fresnoy – Studio national des arts contemporains. Sa recherche, Hétéroglossies littéraires, porte sur la coexistence de différentes langues au sein des récits mythologiques. Vir Andres Hera est également membre du comité éditorial de la plateforme éditoriale et curatoriale Qalqalah قلقلة. Il a été membre de la Casa de Velázquez en 2015.

Production


Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains, Tourcoing — Alliance française du Mexique

Partenaire


Labodigital Mexico D.F.

Remerciements


Alliance Française de Mexico
Alliance Française de Tlaxcala
Labodigital Mexico DF
Parc National du Popo-Izta
Parc National de la Malinche
Parc National du Pic d’Orizaba
Mairie d’Atzintzintla
Mairie de Yauquemehcan
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