Miguel Gomes
Rédemption - Film - 2013
présenté dans le cadre de l'exposition Panorama 15
Film
RÉDEMPTION est un film très simple entièrement réalisé avec des séquences retrouvées (en Super 8 couleur et en 16mm noir et blanc). Le film est divisé en quatre parties. Dans chacune, nous entendons un monologue prononcé par une personne différente, dans une langue différente (allemand, italien, français, portugais). Ces quatre monologues, tout en ayant leurs propres caractéristiques, ont aussi un point commun: ils évoquent un moment, un épisode ou une période de la vie de leur narrateur marqués par un traumatisme émotionnel qui les a enfermés dans un schéma dont ils n'ont jamais pu se défaire. Ils parlent au présent, ils font parfois de brèves allusions à ce présent, mais ils parlent surtout du passé, de personnes qu'ils n'ont pas réussi à oublier, de gestes ou de mots qui n'ont jamais été accomplis ou prononcés. Ils se sentent coupables, ils parlent de fantômes du passé qui les hantent et les empêchent aujourd'hui de devenir la personne qu'ils voudraient être. L'anonymat des films trouvés contribue à la dimension universelle visée par les monologues. Les images n'ont rien de dramatique: on y voit simplement des goûters d'anniversaire, des zoos, des paysages urbains, des pique-niques familiaux, etc. La culpabilité qui se dégage des monologues n'est pas le résultat de crimes horribles ou de faits dramatiques, mais de petites erreurs, des tristesses ordinaires et quotidiennes que nous connaissons tous (une personne n'a jamais été capable d'exprimer son chagrin après la mort de sa grand-mère, une autre n'a jamais oublié la petite fille de l'école primaire à qui il n'a jamais dit qu'il était amoureux d'elle...). Comme pour les images, il y a des allusions spécifiques à un lieu et à une époque, mais elles sont discrètes et n'enlèvent rien à l'universalité de l'épisode qu'elles racontent. Tous les monologues évoquent une incapacité affective ou sociale générée par les échecs du quotidien.
Super 8 couleur - 16 mm noir et blanc - 20 minutes
Production : O SOME E A FURIA (Portugal) Coproductions : Le Fresnoy - studio national (France), Komplizen Films (Allemagne) et Faber Films (Italie)
Miguel Gomes
Né le 20 février 1972 à Lisbonne. Vit à Lisbonne.
Cursus Il a fait ses études à l’Institut cinématographique et théâtral de Lisbonne et travaillé comme critique de cinéma pour la presse portugaise entre 1996 et 2000. Il a réalisé plusieurs courts métrages sélectionnés entre autres aux festivals d’Oberhausen, de Belfort et de Vila do Conde et projetés aux festivals de Locarno, Rotterdam, Buenos Aires et Vienne. La gueule que tu mérites, 2004, était son premier long métrage. En 2008, il a présenté Ce cher mois d’août, à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes. Ce cher mois d’août a ensuite été sélectionné dans plus de quarante festivals internationaux où il a remporté plus d’une douzaine de prix. La Viennale (Autriche, 2008), Bafici (Argentine, 2009) et le Centro de Artes e Imaxes da Corunha (Espagne, 2009) ont présenté des rétrospectives de ses films. Tabou est son troisième long métrage. «Le premier – et sans doute le plus beau – chef-d’œuvre de l’année 2012, Tabu de Miguel Gomes a été révélé lors du Festival de Berlin, où il a été scandaleusement – mais c’était hélas prévisible – oublié au palmarès. Qu’importe. Tabu est ce que les anglo-saxons appellent un classique instantané, et apporte une preuve éclatante que Miguel Gomes, après La gueule que tu mérites et Ce cher mois d’août, est l’un des meilleurs cinéastes contemporains. De quoi parle Tabu ? De la vie d’une femme, tout simplement, racontée sur un mode totalement nouveau qui convoque à la fois la poésie, la littérature et le cinéma muet. Malgré son titre murnaldien (le film aurait dû à l’origine s’intituler Aurora, du nom de son héroïne), Tabu n’est pas un film de références cinéphiliques, un pastiche ou un hommage, mais plutôt un film qui retrouve les origines du cinéma, les émotions et les surprises que pouvaient procurer aux premiers spectateurs les images projetées sur un écran blanc. Un film élémentaire, qui nettoie les yeux. Là où Tabu est frère des films de Murnau, mais aussi de Mizoguchi ou de Renoir (autant dire les plus grands), c’est dans la façon où il accède à une forme de pureté absolue dans le brassage d’une matière, artistique et vivante, très hétérogène, faite de ruptures de ton et de mélange de genre. C’était déjà le cas de La Gueule que tu mérites (film coupé en deux) et Ce cher mois d’août (film monde entre fiction, essai et documentaire). Dans Tabu, le monde devient cosmos, et c’est l’espace et le temps qui se mêlent pour une sublime histoire d’amour impossible qui avance longtemps cachée – le film est absolument imprévisible, délivrant merveilles après merveilles – avant de s’épanouir dans la dernière partie du film. Passé et présent, Portugal et Afrique, slapstick et mélodrame, vie et mort, hommes et animaux, serviteurs et maîtres, silences et chansons sont les ingrédients d’un poème d’images et de sons qui ressuscite avec beaucoup de mélancolie un monde éteint, un âge d’or, un paradis perdu, qui fait rire et pleurer à cause de ses péripéties mais aussi parce qu’on a le sentiment pendant la projection d’assister à un miracle égaré dans une époque qui ne le mérite pas. Ils sont rares les films qui donnent l’impression de réinventer le cinéma, de nous offrir une expérience inoubliable, où tout est grâce. Tabu est de ces films.»