Anaïs-Tohé Commaret

Huit - Film - 23min - 2022

présenté dans le cadre de l'exposition Panorama 24

Film


Quand j’étais en maternelle, les siestes obligatoires m'effrayaient. Ces dortoirs remplis de mini-lits superposés, en plastique bleu foncé; ne me donnaient pas envie de dormir. Alors, quand enfin tout le monde dormait à poings fermés, moi j’avais les yeux grand ouverts et j’étais angoissée d’entendre les respirations de mes camarades. Paradoxalement, ces micro-insomnies me donnaient l’impression de passer à côté de la vie. De passer à côté d’une expérience collective ; je les imaginais tous, les uns à côté des autres, dans le train du sommeil, train que je voyais s'éloigner sans pouvoir courir après.
Un monsieur était venu donner un cours traumatisant à ce sujet un après-midi. C’est lui qui appelait ça « le train du sommeil ». Il arrive une première fois, avec un bâillement, et si tu ne vas pas te coucher à cette première alerte, tu loupes ton train.
Louper son train. Un jour, à un vernissage pourri, un vieil artiste m’avait dit : « Ne loupe jamais le train, il y a des opportunités pour ta carrière qui ne se présentent qu’une fois. »
J’ai toujours trouvé ça bizarre, le mot « carrière », une carrière ce n'est pas une plaine vide remplie de grandes collines de pierres ?
Il y a quelque temps, j’ai été surprise par le film Wanda, réalisé en 1970 par Barbara Loden, c’est un film dans lequel on voit une mère délaisser ses enfants, elle erre dans des endroits bizarres, sur des collines, dans des carrières pleines de charbon, les bigoudis défaits, du rouge à lèvres qui dépasse et de la poussière sur le tablier.
Les fantômes sont des gens qui errent entre des représentations et qui n’ont pas d’endroit où être, ils hantent la ville.
Vitry-sur-Seine est une ville hantée. Certaines personnes qui y habitent traînent leur corps d’un endroit à un autre, cherchant un nouveau corps à posséder.
On cherche un corps confortable qui se sentirait à sa place partout.

Anaïs-Tohé Commaret


D’origine franco-chilienne, elle explore les potentialités sensorielles du médium filmique et son travail se définit par un va et vient entre la fiction et le documentaire. Elle mettra cela a profit lors de ses études aux Beaux-arts de Paris dans l’atelier de Clément Cogitore. Elle entre ensuite au Fresnoy - Studio national des arts contemporains ou elle étudie avec Ben Russell. Elle rencontre Nicolas Jardin, jeune chef opérateur, et ensemble ils créent des images percutantes les poussant au grand prix art vidéo au Festival Coté-Court en 2020.
Anais-Tohé Commaret remporte le prix coup de cœur du jury décerné par le Mac Val, Le Palais de Tokyo et Lafayette anticipation au Salon d’arts contemporain de Montrouge en juin 2022. Son univers vaporeux et fantasmagorique provient d’une fascination pour les personnages qu’elle définit comme des anti-héros/des fantômes qui sont des êtres qui errent entres les intervalles, cherchant un endroit où se sentir bien. En parallèle, elle exerce le métier de danseuse érotique dans un cabaret parisien. C’est de cette expérience qu’est née une nouvelle forme de questionnement dans sa démarche autour du système capitaliste, du travail et de l’autosuffisance des TDS.

Production


Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains, Tourcoing

Remerciements


DAVID CAMAROU, FRANCOIS DUMONT, NICOLAS JARDIN, HUGO HDBETA, SIMON PENEAU , INES NEDJAR, ARIANE KIKS, SEQUOIA ROSE, KONSTANTIN KYRIAKOPOULOS, ELISE PUZOS, MALTE ZANDER, FOUSSENI COULIBALY, ADIARA COULIBALY, FATIME COULIBALY, TIMOKO COULIBALY, MOHAMED COULIBALY, EMMA GONZALES COMMARET, ELISA COMMARET, MANU GONZALES, GRICHKA COMMARET, CLARA STENGEL