Vit et travaille à Laversine (Oise).

Dans son texte La leçon de la Sainte Victoire, Peter Handke rappelle que « Cézanne, prié un jour de décrire ce qu'il entendait par « motif », rapprocha « très lentement » les doigts écartés des deux mains, les plia et les croisa. »

Qu'il s'agisse de peintures, de dessins, de photographies, ou d'images en mouvement, l'écriture du motif est toujours une fabrique de tressement. C'est chercher à tenir ensemble les interactions de champs d'empreintes hétérogènes : en effet, la réalité du modèle, celle du regard, et la leçon de la chambre noire ne se superposent pas. Quelque chose d'inconnu, d'ignoré, vient s'établir en surimpression dans les interstices entre ce que je vois, ce que j'ai cru entrevoir dans le dépoli, et l'empreinte qui s'inscrit finalement dans l'émulsion argentique, au fond de la boite noire. C'est une leçon d'opacité qui réactive la mémoire, hantée soudainement par des champs d'empreintes déjà là.

La pièce que j'envisage est un petit arrangement cérémoniel qui tressera des procédures d'échanges entre divers médiums : tracés graphiques, photos argentiques, projections et enregistrements de séquences vidéo.

Un travail sur le feuilletage de la saisie de la lumière, et sur le feuilletage de sa réception, tout comme le peintre travaille la matérialité de l'épaisseur du plan coloré pour tenter de saisir quelque chose de sa « sensation » (cf Cézanne, encore).

Surimpressionner au minimum deux fois la pellicule argentique, superposer des motifs de paysage photographiés en lumière naturelle, et des peintures et le modèle dans la lumière artificielle de l'atelier.

En troisième lieu (troisième brin de la tresse), monter des plans séquences tournés dans l'atelier avec le modèle, ou un travail au banc titre sur les photographies pour chercher à ouvrir l'image à ce qu'elle refuse : dresser l'empreinte de l'invraisemblable travail d'adaptation du cerveau aux prises avec les tiraillements du non superposable. Tenter de donner à voir toute l'épaisseur, toutes les strates du plan du désir...